Naissance du Street Art

Phil.Macquet est né en 1967. Parallèlement à des études en école d’Art où il apprend la maîtrise de techniques classiques comme la peinture à l’huile et le dessin, il découvre son intérêt pour la rue et des modes d’expression alors underground : scène punk rock, performances, happenings… un univers qui ne demandait qu’à être mis en scène. Il a 16 ou 17 ans quand il imagine d’intervenir directement sur l’espace urbain avec des peintures au pochoir réalisées à la bombe. Un acte artistique interventionniste, souvent transgressif mais dénué ni d’humour ni de poésie, qui commence à exister avec lui et ses acolytes dans le Nord de la France, comme à Paris ou à Nantes. On s’empresse de lui donner un nom : «le street art», «l’art urbain», souvent opposé, aux Etats-Unis, à «la bombe libre». L’expérience reste stimulante pour Phil. Macquet, jusqu’à ce qu’elle soit reconnue par des circuits artistiques plus normatifs : certains musées démontent ses palissades peintes pour les exposer, Phil. Macquet a un agent qui fait entrer ses pochoirs dans les galeries d’art. Du coup, ses œuvres destinées à être librement exposées au regard de tous dans l’espace public, quittent la rue pour entrer dans le monde de l’art, s’adressant à un public d’amateurs plus élitiste, et Phil.Macquet ressent le besoin de passer à un autre type d’expression.

Révolution informatique et Pixel Art

Phil.Macquet fait également partie de la génération qui a vu la naissance de l’informatique et participé à son avènement. Plus qu’un fait marquant, pour lui, c’est la dernière grande révolution en date de nos sociétés actuelles. Le premier ordinateur qu’il approche ne propose qu’un écran noir et blanc et ne semble pas plus prometteur qu’une calculette programmable. Pourtant, son regard décalé lui fait entrevoir la machine comme un objet stimulant : une ouverture vers quelque chose de fondamentalement nouveau, donc à défricher. Parallèlement à ses études artistiques, il se met au développement informatique et devient convaincu de la possibilité d’une conjonction entre l’univers de la création artistique et celui de l’informatique… A cette époque, l’idée est soit vécue comme une hérésie («pourquoi associer l’art, le processus créatif, à des machines programmables, conçues pour effectuer à notre place des opérations triviales ?»), soit comme une élucubration totalement incomprise («s’il s’agit d’utiliser une machine pour faire de la création artistique, tout le monde pourra en faire autant»). Malgré les résistances qu’il rencontre, Phil.Macquet poursuit ses recherches et crée plusieurs sociétés d’infographie. Tout en défrichant le territoire de la communication visuelle assistée par ordinateur pour ses clients, il avance dans l’exploration des perspectives artistiques du numérique pour prouver que l’ordinateur peut être un pinceau : tout simplement celui de notre époque.

Les avancées de la technologie

Au début des années 90, l’arrivée d’Internet révolutionne l’informatique. Phil.Macquet y découvre une source abondante d’images qui lui confirme le lien étroit entre les nouvelles technologies et l’art. Il se lance dans la création de sites Internet alors que, dans ce domaine, tout est encore à faire, à inventer, sans codes arrêtés. Il s’amuse d’ailleurs à assister au plébiscite par le grand public et le monde du graphisme de la technologie qu’il défend depuis ses débuts. Le numérique s’impose définitivement à lui comme l’occasion de prolonger son œuvre de pochoiriste dans une nouvelle dimension. Il se met à créer des compositions qu’il travaille avec la palette de couleurs brutes qu’il utilisait à la bombe et met en place sa première série vraiment assumée comme du Pixel Art.

Mais les images restent prisonnières de l’ordinateur  : comment obtenir un rendu qui lui permette d’affirmer la matière, c’est-à-dire le pixel carré qui a remplacé les pulvérisations de peinture de ses bombes aérosols ? Comment obtenir mieux qu’un tirage photo ne dépassant pas le format A3 ? Comment sortir de l’écran (encore très petit) et conserver la définition de l’image et la densité de ses couleurs saturées ?

Prendre date

Bientôt, du côté de l’infographie et de la création de sites Web, la «routine» professionnelle remplace la liberté de création ; cependant, «l’outil» informatique garde pour Phil.Macquet toute sa nouveauté en tant que medium artistique. Il décide donc de se consacrer totalement à une nouvelle période de recherche picturale. Mais alors que l’utilisation de l’informatique, acceptée du monde entier, ne signifie plus nécessairement une perte de valeur pour l’œuvre artistique, alors que l’on peut espérer que l’œuvre finie soit enfin considérée pour elle-même et non plus en fonction des moyens choisis pour la produire quel sens donner à la poursuite de la démarche ? D’abord, l’avancée des techniques va enfin permettre de découvrir l’œuvre de Phil.Macquet telle qu’il a toujours cherché à la donner à voir. Ensuite, n’ayant plus à se battre pour justifier les moyens qu’il emploie, il va pouvoir librement exprimer, à travers sa «patte» qui revendique le pixel pour matière, que pour un artiste d’aujourd’hui, faire le choix du numérique, c’est prendre date.

Au fil des siècles, chaque artiste a essayé de faire avancer l’art, en découvrant de nouvelles techniques, des moyens contemporains. Ce furent, par exemples, l’arrivée de la peinture à l’huile en Italie ou les premières peintures en tubes qui permirent aux Impressionnistes de quitter l’atelier pour peindre en extérieur… Pour Phil.Macquet, c’est le numérique qui a tout changé, et il n’aura de cesse de nous rappeler, quels que soient ses thèmes, que nous n’avons pas encore découvert toutes les facettes du pinceau du XXIe siècle.

Andy Warhol, dans un reportage télévisé, peu avant sa mort, commençait à expérimenter les possibilités d’un petit Amiga 13 pouces… Le Pape Pop, lui aussi, était sur la piste du numérique : difficile de trouver plus belle référence pour saluer la justesse de la vision de Phil.Macquet.